Conte Japonais.
Je déroulais doucement le parchemin.
Il avait l’air de venir d’un passé très lointain.
Dès le premier regard, j’eus un mouvement de recul.
La mort me regardait et allait jusqu’à me tutoyer.
Je ne lui avais pourtant rien demandé, je voulais juste sur le papier la contempler.
J’observais le dessin de l’artiste et je restais incrédule.
Soudain, de l’estampe, le personnage s’échappa.
J’émis un petit cri, tout bas.
Il était hideux avec ses longs cheveux.
Une bouche pleine de dents, qui renvoyait un sourire vengeur.
Des yeux démoniaques, sans aucune candeur.
Je ne saurais dire s’il était masculin ou féminin.
La méchanceté n’a pas de sexe.
La situation devenant donc très complexe,
J’engageais la conversation avec le défunt.
- Quel est cet enfant qui ne bouge pas?
Point de réponse, il fit un premier pas.
-N’avance pas, reste très loin de moi.
Mais la créature démoniaque aimait terroriser,
Et elle s’approcha encore plus près.
-L’enfant est blessé, laisse moi le sauver.
Seulement la mort ne connait pas la pitié.
Elle est volontairement malveillante,
Et tout particulièrement effrayante.
-Pourquoi tourmentes-tu ce bébé?
Je ne comprenais pas ce mutisme.
Je cherchais en vain la vérité,
N’y voyant pas l’altruisme.
Quand, elle m’attrapa le bras, je crus défaillir.
Sa peau était si froide, son teint si pâle…
Je me débattais mais elle ne lâchait pas prise.
Sa force semblait inhumaine, et j’avais si mal.
C’est terrible comme on peut voir en quelques secondes,
Toute sa vie défiler devant soi, et comprendre que tout va s’arrêter là.
Je savais qu’elle ne m’emmènerait pas au bal.
Mais, qu’elle avalerait goulument mon âme,
J’étais définitivement sous son emprise.
J’allais errer dans ce tableau comme une vagabonde,
Et dans ce monde ne ferais plus un pas.
Mon histoire n’était pas banale,
La curiosité me serait fatale!
Avec mon autre main, n’écoutant que mon courage,
Je saisis l’enfant qui était trop sage.
Il respirait tranquillement, mais ses yeux étaient ailleurs.
Je pensais aussitôt à la légende japonaise,
De cette femme que l’on nomme Ubume.
L’esprit d’un fantôme, d’un yokai ayant enfanté,
Et qui cherchait désespérément à entrer en contact avec son enfant.
Était-elle une mère tout simplement?
J’avais surmonté ma peur, et j’allais lui dire que je n’étais pas d’accord.
Quand ses doigts crochus me libérèrent pour reprendre le trésor.
En moins d’une seconde, le fantôme retourna se figer sur le papier.
J’essayais de lui parler, de le toucher…
Comme la frayeur s’était envolée,
Vexé, il avait décidé de ne rien me révéler.
C’était comme si tout cela n’avait jamais existé.
Je n’ai pas fait de mauvais rêve, je l’ai bien vu.
Mais je reste soulagée qu’il ait disparu.
Qu’il soit retourné au royaume des morts,
Je ne souhaitais pas partager son sort.