29 mars 2013 5 Commentaires

à mon père : le clown

à mon père : le clown dans Poésie clown

Il était là, au milieu de la piste.

Mais à cet instant, cela n’avait aucun sens.

Il était là, le clown triste,

Et on ne voyait aucune différence.

Comme tous les soirs,

Il s’était assis devant son miroir.

De sa main gauche, il avait d’abord blanchi son visage,

Puis, de son autre main,  il avait dessiné d’un geste précis,

Deux grands yeux noirs qui  lui donnaient un drôle de regard.

Il avait fixé un nez rouge au centre de son expression.

Une chevelure rousse improbable et des chaussures de sept lieues,

Donnaient au tableau un air insolite et facétieux.

Il avait revêtu un pantalon trop court, trop large, difforme,

Retenu par de gigantesques bretelles hors normes.

Il n’avait pas d’autre accessoire, ses mimes racontaient si bien les histoires.

Avant chaque représentation, il observait lentement cet accoutrement,

Puis, regardait tout au fond de lui, jusqu’à retrouver l’enfant qu’il avait toujours été.

Lorsqu’il était à ses côtés, il savait qu’il était prêt.

Il se jetait alors dans la fosse, avec un plaisir non dissimulé.

Un petit noeud à l’estomac, au cas où ils ne riraient pas.

Il donnait tout ce qu’il avait pour faire de ce moment,

Un inénarrable divertissement.

Il ne voulait pas ressembler au Clown Blanc, trop autoritaire.

Encore moins à l’Auguste qui toujours exagère !

Il se rappelait Pipo, Zippo, les Fratellini,

D’autres Clowns sauteurs, acrobates, des caricatures…

Il s’était juré de faire ce métier différemment.

Il mimait donc avec une immense tendresse les instants de  vie.

Le pouvoir de ses  gestes semblait infini.

On voyait les enfants tour à tour béats, surpris, étourdis et enfin ravis.

Les parents essuyaient délicatement la petite larme,  échappée de leur coeur,

Au moment où apparaissaient  sous leurs yeux les ” flashback ” du bonheur.

La représentation était toujours trop éphémère à leur goût,

Les rappels incessants, les cris, debout…

La joie de l’artiste, immense…

Mais ce soir, cela n’avait plus aucun sens.

Le clown venait de perdre sa magie.

Le petit garçon qui sommeillait encore en lui,

Avait pris la poudre d’escampette.

Il avait appris le matin même sa longue agonie.

Il était malade, les médecins étaient formels.

Sa mémoire allait vaciller, les souvenirs viendraient à manquer.

Il n’accepterait jamais la médiocrité.

C’est pourquoi, ce soir était son dernier jour de gloire.

Sans rien laisser paraitre, cocasse, impayable, insolite,

Il avait enchanté chacun dans un dernier tour de piste.

Il n’avait qu’un seul regret,

Celui de n’avoir jamais pris le temps de se choisir un nom.

Monsieur Loyal  le présentait toujours de belles manières,

- “Le clown le plus spirituel,

Le plus surprenant,

Le plus divertissant,

Le plus émouvant…”

- “Un nom vous permet de rester éternel,

Un nom, c’est un visage qui apparait,

Un nom, et de mes spectacles vous vous souviendrez…”

Et cela lui fit mal, si mal que lorsqu’il rentra dans sa roulotte,

Ce fut pour ne plus jamais en ressortir.

5 Réponses à “à mon père : le clown”

  1. D'esprit et de Coeur * Stephane * 29 mars 2013 à 23 h 11 min #

    Joli hommage même si l’histoire est triste…
    Mais il a donné avec sincérité du bonheur aux gens , c’est cela ke plus important …
    Bonne fin de soirée ^^
    Stéphane ★

    Dernière publication sur  : DEMANDE DE FERMETURE DEFINITIVE DE CE BLOG

  2. fred 30 mars 2013 à 13 h 50 min #

    Un texte très émouvant et qui prend aux tripes. Donner du bonheur jusqu’au dernier instant, son dernier instant. N’est ce pas là, malgré cette tristesse en rime, un hymne à la vie et au courage d’être soi?

  3. Philosophe 30 mars 2013 à 15 h 39 min #

    Une histoire émouvante empreinte d’une certaine tristesse. Combien de papas ou même de mamans peuvent s’identifier à ce personnage? Ces personnes qui malgré tristesse, soucis, parfois inquiétude, se veulent généreuses en faisant naître un sourire, briller des étoiles dans les yeux des enfants. De son enfant. Cette humble générosité venant du coeur . Un magnifique don de soi pour le bonheur des autres.

  4. Crianchais 4 avril 2013 à 16 h 14 min #

    J’essuie une larme…et oui..L’homme têtu est un grand sentimental..Quelle belle histoire..émouvante, pleine de réalisme, une leçon de vie..Merci

  5. clown poète 9 juin 2020 à 21 h 15 min #

    Merci beaucoup pour cette lecture tres émouvante et pleine de poésie .

    https://www.facebook.com/clown.et.poete.fr/?modal=admin_todo_tour


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