Lunchtime atop a skyscraper Charles C. Ebbets 1932
Nous connaissons tous l’image, et moi, elle me fascine.
On est ici dans les deux premières années de la Grande Dépression. Habituellement, à cette époque, on voyait des hommes former une ligne pour avoir un bout de pain ou un repas. Ici, la photo met en scène des travailleurs dans une Amérique des années 30, qui gardent le rythme et construisent. Le taux de chômage était alors de 25% aux États-Unis, atteignant jusqu’à 80% à Toledo, dans l’Ohio. Des millions d’Américains sans emploi et sans-abri ont migré à travers tout le pays… Lunch Atop a Skyscraper est la représentation même de la résilience de cette ville frappée par la crise et le chômage. C’est un éloge de la force vive du travail (même si la main d’oeuvre était bon marché), du rêve américain qui a déversé des hordes d’immigrants qui ont non seulement bâti des immeubles montant jusqu’au ciel, mais aussi fait de New York la ville qu’elle est aujourd’hui. C’est l’Amérique à genoux qui se relève quand même, là où le ciel est la limite…
Lorsque je les regarde, je suis d’un autre temps…Il me semble qu’aujourd’hui travailler sans filet serait chose impossible. Ici, ils sont à des centaines de mètre du sol, au 69em étage du rockefeller center qui en comptera 70. Des statistiques de l’époque démontre qu’il y avait un mort pour chaque tranche de dix étages de gratte-ciel…
Pourtant, ce matin là, lorsque ces onze hommes, en bleu de travail, petit déjeuner à la main, dans le brouillard, ont grimpé quelques centaines de pieds au dessus de Manhattan, jusqu’à se retrouver sur une poutre transversale, sans aucune autre sécurité que leurs mains… pensez-vous qu’ils ignoraient le danger? Non, ils avaient faim, il leur fallait un travail.
Ils étaient de différentes nationalités, Irlandais, native américains…On ne sait pas grand chose d’eux.
Le dernier à avoir survécu se nommait John Lundberg. Il passa sa vie sur les buildings et autres ponts. Habitué à travailler en hauteur, il se sentait certainement libre là-haut. Un peu d’adrénaline et un grain de folie, c’est ainsi que l’on résume son existence.
Dans la troupe, un slovaque, Gusti Popovic. Il est reconnaissable sur la photo grâce à sa bonbonne. Il écrira d’ailleurs souvent à Mariska, sa femme :“Tout va bien car je suis avec ma bouteille”. Je ne suis pas certaine que cela la rassurait…Fallait-il boire pour trouver le courage ?
Deux hongrois étaient aussi présents le jour de la photographie : Louis Friedman 28 ans et son frère. Comme ils ont dû trembler l’un pour l’autre…
Bernhart Lawrence quant à lui a été reconnu par sa famille, à ses côtés, un ami auquel il manquait un doigt.
Je n’ai pas retrouvé les noms de tous ces gars, et pourtant, j’ai beaucoup cherché.
Ils oeuvraient par tous les temps, ils assemblaient des poutres, squelettes des futurs gratte-ciel, les fixaient entre elles à l’aide d’énormes câbles ou boulons… Il fallait pour se faire des muscles d’acier.
J’ignore combien d’hommes ont péri se jouant de leur peur du vide et je n’ose imaginer le grand plongeon, le dernier saut de l’artiste.
Bon nombre d’indiens, ne montrant aucun symptôme de vertige, durent cependant batailler dur pour obtenir de meilleures conditions de travail. Ils sont les bâtisseurs de ces grandes villes, les travailleurs du ciel.
L’Empire state building, la tour Chrysler, le pont Georges Washington…Ce gigantisme, cette démesure qui font l’Amérique d’aujourd’hui.
Pendant une centaine d’années, des générations d’ acrobates, ont quotidiennement escaladé des tonnes de poutres d’acier. C’était leur métier !
Chaque jour était une nouvelle victoire sur la vie. Ils rentraient, épuisés , physiquement, moralement. On peut affirmer qu’ils gagnaient leur argent ! Ils voulaient travailler dans ce pays où ils avaient immigré. Ils étaient ouvriers, c’était leur bataille, certains l’ont gagnée.
Quelques photos trouvées sur le net…. regardez au loin, la hauteur des bâtiments qui les entourent…
- Bettmann / Corbis «Lumière sur Way Up », une autre image emblématique d’ouvriers au sommet du Rockefeller Center
.La photographie Resting on a Girder représente les mêmes ouvriers en train de faire une sieste sur une poutre.
Mais aussi, à voir : FILM : MEN AT LUNCH
Documentaire de Sean O Cualain. 1h15.
Men at Lunch raconte l’histoire derrière l’une des photographies les plus marquantes du XXe siècle :Lunch atop a Skyscraper – photographie captée du haut du 69e étage du Rockefeller à l’automne 1932. Au fil du temps, cette image a su résumer à elle seule toute la légende de New York et ses proportions de grandeur démesurées qui l’ont défini lors de sa construction.
À moitié hommage, à moitié enquête, Men at Lunch révèle le mythe de cette icône américaine mêlée entre une course vers le ciel et le destin des immigrants qui ont construit New York telle que nous la connaissons aujourd’hui.
Pour 80 ans, l’identité de ces onze hommes et du photographe qui les a immortalisé, est demeuré un mystère : leurs histoires, perdues dans le temps, enveloppées par la célébrité de l’image elle-même.
Autre temps, autre moeurs, autre vision de la vie…de l’insouciance malgré la dureté de la vie…Maintenant nous sommes sérieux et tout est contrôlé…Pas d’écart sinon c’est assez mal vu…
Mais c’est ainsi !
Bonne soirée à Toi ^^
Dernière publication sur : DEMANDE DE FERMETURE DEFINITIVE DE CE BLOG
Un bel hommage que tu rends à ces hommes dont j’admire le courage abnégationiste. C’était hélas leur quotidien pour gagner courageusement leur pitance et celle de leurs familles. Des hommes se jouant du vide au péril de leur vie, ignorant ce que signifie vertige alors qu’aujourd’hui tout chantier est sécurisé, parfois même excessivement.
Un jour peut-être je parlerai d’autres hommes qui eux aussi se jouaient du vide pour amener l’eau en plaine pour irriguer les cultures.
Bonne soirée. Bien amicalement
Je trouve triste que des hommes doivent prendre autant de risques pour gagner de quoi vivre dignement et sans doute pour un salaire dérisoire…
La grandeur ce n’est pas ces constuctions vertigineuses mais c’est le courage de ces hommes.
Bonjour
Un très bel article!
J’avais vu la plupart de ces photos mais je ne savais rien à leur sujet!
Merci pour toutes ces explications!
Ils devaient risquer leur vie pour vivre!
Je te souhaite un bon après-midi
Francine
Dernière publication sur Mes émotions : A cette enfant que j'étais °°°°°
Vivre! n’importe comment, mais vivre!
Il y a encore de part le monde les hommes et les femmes qui prennent des risques insensés simplement pour survivre, hélas!
Très belles photos, merci pour le partage.
Dernière publication sur Pêle-mêle : Saruman
Fascinant ! J’ai le vertige rien qu’à regarder ces photographies. Fallait-il avoir faim !
Merci pour ces photos; j’ignorais que la paternité de la plus connue était discutée.
Est-il plus dangereux de vivre dans las airs ou au fond d’une galerie de mine ou à vingt ans dans une tranchée en 1914-1918? Et le burn out d’aujourd’hui est-il plus enviable ?
Le travail fait en partie la noblesse de l’homme et même esclave,il l’aime, il en vit et en nourrit les siens.
On voit encore des hommes dans les airs, avec un baudrier, nettoyer les vitres de buldings en verre et d’autres descendre dans des mines de souffre et mourir à trente ans les poumons brûlés. Plus personne pour prendre des photos, et les maîtres sont toujours les mêmes.
Bonne soirée.
Ce 7 avril 2013
Comment a tu fais pour trouver les noms des ouvriers?
Corbisimages, avec sa horde de détectives privés, ne les a pas trouvés.
Malgré ses mystères, cette image est une ouverture sur toute une époque.
Bonjour Eloxys, avant d’écrire sur cette photo, j’ai cherché sur Internet tout ce qui parlait de cette photo, je suis même allée plusieurs fois à la bibliothèque…une chose est certaine, je n’ai rien inventé! Je sais aussi que tout n’est pas vrai sur sur le web. Si jamais, mes sources étaient erronées, ce serait bien involontairement, j’enlèverai alors les noms cités. …merci d’être passée. Charlotte
J’aimis en anglais Wikipédia pour la page sur Lunch atop a skyscraper et il y a beaucoupplus d’informations et pratiquement tout les noms!
Très bel article, j’ai beaucoup aimé, mais je me demande toujours comment ils pouvaient dormir sur les poutres! je serais tombée rien qu’en m’asseyant! ça m’a beaucoup aidé pour mon histoire des arts, merci beaucoup!
Il faut rajouté que cette photographie était en faite monté de toute pièce (même si c’était de vrais ouvriers), une publicté pour le Rockefeller Center.